Je nage un peu maintenant, je nageais beaucoup en 1996, alors que je préparais mon 100m brasse aux Jeux Olympiques d’Atlanta. Avec huit titres de champion de France et cinq records de France, je pouvais achever une carrière amusante et partir vers des études doctorales.
C’était le sommet d’une pratique qui avait commencé tout enfant, alors que ma mère nous emmenait, ma soeur et moi, à la piscine municipale. Je ne m’en souviens pas, mais ma mère m’a raconté que lorsqu’elle voulait m’apprendre à nager, je me sauvais dans l’eau en disant « pas la peine, je sais déjà. » En fait, vu mon caractère actuel, je crois que je voulais dire que j’allais chercher moi-même.
Entre ce moment d’enfance et une course aux Jeux Olympiques, j’ai eu de la chance, la chance d’avoir eu des entraîneurs qui observaient leurs nageurs, comment ils amélioraient leur nage simplement parce qu’ils essayaient de nager tous les jours un peu mieux. J’affirme que c’est une chance parce qu’une nage est comme un costume sur mesure, chacun doit la trouver, la soigner et la développer. Or j’ai constaté (depuis que je suis praticien Feldenkrais) qu’il était risqué d’adopter la nage d’un autre, de décider qu’il « fallait » plonger la main plus tôt ou plus loin, qu’il « fallait » tirer sur les bras par ici ou par là. Les nageurs qui voient apparaître des douleurs récurrentes ont ce point commun qu’ils cherchent à reproduire un geste “par l’extérieur” sans prendre le soin de le digérer, d’en faire un geste qui leur est propre, qui émerge de leurs propres sensation, dont tous les détails s’agencent harmonieusement.
Je défends donc la vision suivante : l’entraîneur n’est pas là pour dire comment nager, mais il doit choisir quels obstacles placer sur la route de ses nageurs et nageuses afin que ceux-ci s’améliorent. De son côté, le nageur ou la nageuse est le mieux placé pour toute cette finesse et cette symphonie de mouvements que joue le corps pendant que l’on nage. D’une certaine façon, quand on vous dit « nage comme ça », vous pouvez répondre comme moi quand j’étais petit « je vais chercher moi-même ».
Trop raide, trop mou, trop d’efforts inutiles et voilà la cacophonie venir : la nage se dégrade, on n’avance pas, on ne prend pas de plaisir, on risque la blessure. Et au milieu de toutes les coordinations possibles, quand on trouve, voilà venir le plaisir, la fluidité, la facilité, le sentiment délicieux d’avancer et de sentir l’eau s’écouler autour de soi. Il se peut même que l’on admire la brûlure des poumons ou du ventre quand il faut simplement fournir l’énergie pour aller un peu plus vite que le voisin, le reste de la gestuelle étant douce et efficace.
C’est passionnant de chercher à faire un peu mieux. Ça l’est tout autant d’aider les autres. De mon côté, j’amène depuis quelques temps ce que j’ai appris lors de mes 800 heures de formation en Feldenkrais™. Cette pratique corporelle n’est pas encore très connue, je le regrette, mais vous connaissez probablement si vous êtes en train de lire ces lignes. Mais je regrette encore plus de ne pas l’avoir connue quand je nageais à haut-niveau, tant j’ai été impressionné par les sensations dans l’eau après ma première expérience : trois jours de stage et je n’avais jamais aussi bien nagé en crawl. J’ai commencé à travailler spécifiquement avec des nageurs et nous aurons bientôt des ateliers mensuels sur le thème de la natation (voir ici pour les dates si vous vivez à Nancy ou Metz).
Quoiqu’il en soit, Feldenkrais a beaucoup changé mon point de vue sur le corps et l’apprentissage d’une gestuelle efficace. Alors voici ma modeste contribution à votre projet de nageur ou nageuse. Je vous invite à faire votre marché dans les affirmations suivantes, en espérant qu’elles vous aideront à faire la traversée au mieux de votre potentiel :
- affirmation 1 : l’être humain est doué pour l’apprentissage, il suffit de le nourrir de nouvelles expériences et de veiller à laisser du temps pour l’assimilation.
- affirmation 2 : si vous atteignez un palier dans votre entraînement, vous avez deux possibilités : soit faire plus de la même chose, soit amener des variations. Je défends que l’organisme s’améliore plus vite lorsque l’on fait de petites variations. A vous d’inventer ce qui rendrait l’entraînement presque pareil, mais pas pareil. De ce point de vue, c’est intéressant de confier le programme à quelqu’un d’autre, pour ne pas tourner en rond dans vos habitudes.
- affirmation 3 : un entraînement réussi vous amène le sourire et la détente, là où certains se torturent en espérant progresser. Allez dans votre parc préféré regarder les joggeurs : certains courent avec le masque de la douleur ; mais parmi ce genre de coureurs, je n’en ai jamais vus qui couraient vite et efficacement. A l’inverse, les gens qui sont beaux à voir et rapides semblent le faire sans effort, avec un visage décontracté, parfois neutre ou décidé, parfois rayonnant.
- affirmation 4 : votre progression ne se trouve pas que dans le volume de vos muscles, mais tout autant dans la qualité de votre gestuelle. La bonne nouvelle, c’est que les sensations qui signalent une amélioration sont agréables car il s’agit de l’aisance et de la fluidité.
Voilà quelques ingrédients dans votre progression. Pour le reste il faut passer du temps dans l’eau… il y a sûrement un bon moment, un bon endroit et de bonnes personnes pour ça ! Pour chercher un endroit, en piscine ou en eau libre, il y a le site web monSwim que je trouve vraiment réussi.
Si c’est à l’occasion du Nouvel An que vous prenez la résolution de prendre plus de plaisir en nageant, je crois que c’est une voie qui vous réserve beaucoup de satisfactions. Bonnes longueurs !
Vladimir Latocha,
praticien de la méthode Feldenkrais,
créateur du site Feldenkrais Replay