Pourquoi être authentique envers soi-même ?
« Je me rends compte maintenant que j’ai passé ma vie à ne faire ni ce que j’aurais dû, ni ce que j’aimais. » dit un personnage de roman à son arrivée en enfer. Comment savoir ce qui est important pour nous, ce qui l’est vraiment, ce qui nous fait du bien ?
Bien malin qui peut répondre en deux mots, il semble que ce soit une quête qui réclame de la patience. Nombre d’auteurs ont travaillé la matière de cette question, par exemple :
- quand le psychanalyste C.G.Jung prenait une décision importante, il passait du temps à la laisser mûrir pour sentir si son inconscient était d’accord avec le conscient, prêtant l’oreille à des signes indirects tels que des rêves ou des événements qui attiraient son attention,
- l’un des auteurs ayant passionné Moshé Feldenkrais, Georges Gurdjieff, distinguait l’être essentiel et la personnalité superficielle, et invitait à mettre en harmonie les forces en nous,
- Moshé Feldenkrais lui-même défendait que les contractions musculaires, les sensations, les émotions et les pensées forment un continuum mais que la porte d’entrée aisée vers le changement s’ouvre en améliorant les schémas de contractions musculaires,
- et nous trouverons de nombreuses références chez les philosophes et les psychologues, qui remarquent qu’il est plus juste de comparer notre être à une famille plus ou moins désordonnée et furieuse plutôt que de croire que nous sommes une belle unité en paix.
Que l’on néglige ces signaux des profondeurs et, telle la mousse d’un Champagne, on se retrouve avec des agitations d’autant plus vigoureuse qu’on a cherché à les enterrer. Ou bien un épuisement, burn-out, bore-out, tous ces -out qui donnent l’impression qu’on n’est pas comme il faut. Pourtant ce sont des signes que notre être profond veut mieux, certes en payant le prix d’un conflit sévère, mais il veut mieux.
Odeur de sainteté
Qui est en paix avec soi-même et avec le monde pendant des années sans discontinuer ? Quand ça arrive, il ou elle finit par être béatifiée et on écrit des livres à son sujet. C’est dire si on place la barre haut lorsque l’on décide qu’il serait normal de vivre de la même façon !
Eh oui, nous sommes traversés de contradictions et — regardez autour de vous — il y a tant de tentatives de retrouver de la simplicité dans ce bazar ! Dans la joie d’une musique, dans la paix d’un livre, dans la certitude de l’achat de telle ou telle marque, dans l’ivresse d’une fête, dans la rigueur d’un système religieux ou philosophique, etc, etc.
Ca peut fonctionner en partie, mais c’est temporaire et nous revenons ensuite à la question du départ : comment sais-je ce qui compte pour moi, au final ? Ce qui me nourrit, ce qui rend ma vie savoureuse ?
Faire confiance à ses sensations corporelles
Votre serviteur fait partie de ceux qui, dans ce bazar ambiant, cherche du côté du corps. Il prétend qu’il y a des formes différentes d’intelligences en nous.
Certaines sont verbales, donnent lieu à des raisonnements logiques et de belles thèses.
Mais n’en déplaise aux amoureux de Descartes, d’autres sont non-verbales ; elles se manifestent par une chaleur dans le ventre accompagnée d’un sentiment, ou bien par une raideur dans le cou coïncidant avec une respiration figée et une envie d’être ailleurs, ou encore une poitrine légère et un sourire délicat lorsque l’on perçoit la promesse d’une expérience délicieuse.
Quand on est triste, on est triste et il est légitime de le savoir, de le goûter, de sentir son corps prendre la mesure de ce qui se passe et entamer une tentative d’aller vers le mieux. La récompense de sentir ce qui nous tracasse est que l’on devient plus sensible — aussi — à ce qui nous plaît : la caresse du soleil sur la peau, la joie d’un sourire reconnaissant quand on a aidé quelqu’un, la volupté d’une respiration sereine.
Une aventure à mener avec diplomatie
C’est une longue aventure et, comme un germe met du temps à sortir de terre, il se peut que l’on fouille un moment avant d’avoir les premières joies.
Mais rappelons-nous de quelques définitions du mot authentique : « qui, au-delà des apparences, manifeste l’être le plus vrai, le plus profond, qui reflète la personnalité profonde d’un individu », ou bien « qui a une vraie valeur, qui est original. »
Youpi ! Vu comme ça, on aimerait y aller mais pourquoi n’y allons-nous pas toutes et tous ? Eh bien une qualité qui me semble essentielle est la suivante : il faut de la diplomatie pour rencontrer des parties de nous qui nous semblent incongrues. Parfois c’est une souffrance, parfois un désir, parfois une réticence, parfois une curiosité. Parfois il faut préserver des parties de nous, parfois des parties de notre entourage… si c’était facile, ça serait déjà fait !
Alors on s’abstient trop souvent d’aller au contact de nos sensations corporelles, qui nous parlent de toutes ces forces que nous hébergeons. Mais l’aventure vaut la peine d’être tentée, il est vital d’entamer des dialogues à l’intérieur comme on mènerait des négociations de paix. On peut y aller seule ou seul, ou bien accompagné•e d’une bonne âme, ami•e ou professionnel•le.
Rencontrer ses forces
Ça peut faire toute la différence entre une plante qui vit en pot et une autre qui plonge ses racines profondément dans la terre. C’est une autre vie et, en ces temps où de plus en plus d’entreprises nous invitent dans un monde artificiel, c’est une question d’équilibre que d’apprendre à être ami avec notre corps, car il reflète fidèlement ce que nous sommes.
Ça demande du courage (vous en avez !), mais la route sera lumineuse car vous prendrez le temps de goûter aux moments de paix qui viendront aussi. Et puis n’est-ce pas une belle aventure que de faire ce qui est juste ou ce que l’on a envie vraiment ? Votre serviteur aimerait aussi creuser la question, partageons nos découvertes !
Que ferez-vous dans la minute qui vient pour faire un premier pas ? 😊
Note : une lectrice m’a fait parvenir cette référence, où Blaise Pascal parle du retour au corps. On y devine une version plus spirituelle (tel Jésus-Christ qui dit « ceci est mon corps ») mais c’est un écho amusant 😊
Très à propos ce texte….Et pour ma part, je suis de plus en plus à l’écoute de ces “messages” envoyés par le corps, parfois discrets et subtils mais bien réels….A force d’être dans le tourbillon ambiant – et cette période est particulièrement agitée et déstabilisante – on finirait par être presque figé, oubliant nos sensations physiques. C’est pourquoi, à mon avis, il faut certes savoir décoder mais aussi faire confiance car le corps ne ment pas..
Merci pour ce très beau commentaire 🙂