Moshé Feldenkrais a puisé une partie de ses leçons dans la surprenante aisance avec laquelle les experts de Judo font voler des partenaires parfois deux fois plus lourds qu’eux. Or dans leur recherche d’efficacité, les arts martiaux vont dans deux grandes directions :
- la recherche des faiblesses dans le corps de l’autre,
- la recherche d’une meilleure utilisation de son propre corps.
Pour les arts martiaux comme pour d’autres activités, parfois aussi anodines qu’une simple promenade à pied, Feldenkrais va nous permettre d’aller dans cette deuxième direction.
Parmi l’océan de richesses que nous avons, une question que les maîtres d’arts martiaux vont souvent poser est la suivante : comment mieux utiliser la puissance du centre ? Une raison de cette question est anatomique ; en effet, les gros muscles s’attachent autour du bassin et on trouve des muscles de plus en plus fins au fur et à mesure que l’on va vers la périphérie, jusqu’au bout des mains et des pieds.
Du centre à la périphérie, des muscles de plus en plus petits
Nous défendons que les muscles de la périphérie servent soit à des mouvements fins (par exemple écrire), soit à placer le squelette pour que les muscles puissants exercent leur action depuis le centre vers la périphérie. Toutefois, lorsque ce fonctionnement n’est pas clair, il est courant que l’on se fatigue en utilisant de petits muscles à la place de gros. C’est pourquoi les experts d’arts martiaux vont prendre du temps pour que leurs élèves retrouvent la puissance liée au centre, et vous trouverez par exemple dans ce livre un petit paragraphe qui évoque le vocabulaire qu’on utilise au Judo.
Proposons par exemple l’expérience suivante, si vous allez dans un supermarché : s’il s’agit de pousser un caddie trop chargé, on peut être tenté de pousser avec ses bras en rigidifiant le reste de nous-mêmes afin de donner une base stable, au prix d’un effort important. Inversement, on peut chercher une façon efficace, à savoir de placer ses bras de manière à transmettre la force émergeant du bassin. En d’autres termes, on place ses bras de manière à ce qu’ils ne se plient pas — tout en leur laissant une certaine décontraction, les muscles ne se contractant que pour garder les os dans leur alignement — on laisse ses pieds se déplacer pour être d’efficaces appuis et alors… il suffit de marcher ! Surpris(e) ?
Oh que l’on aime la sensation d’effort !
Soulignons un point important et très paradoxal de ce thème : lorsqu’on utilise correctement notre puissance musculaire, on ne la sent absolument pas. C’est frustrant dans l’entraînement des arts martiaux, car un geste bien exécuté donne l’impression que son partenaire est tombé pour nous faire plaisir ; comme c’est parfois le cas, on se demande souvent si on a progressé ou si le partenaire est plus complaisant que jamais. Pour ce qui concerne la vie courante, c’est plus agréable : il suffit de laisser ouverte la possibilité que nos déplacements semblent dénués de toute sensation d’effort. Or ce n’est pas si facile, car nous nous repérons souvent avec la sensation de faire un effort ; il suffit qu’une action soit un peu lourde et nous voilà pris dans l’illusion qu’il faut sentir sa force. Vous n’êtes pas obligé(e) de me croire, mais de nombreux gestes peuvent devenir beaucoup plus légers pourvu que l’on redécouvre la force du centre et que l’on diminue notre envie de sentir que l’on force. Les enfants nous montrent la voie, ils semblent infatigables en partie parce qu’ils utilisent leur musculature de manière simple et juste.
Quelques séances de Feldenkrais sur ce thème
Pour explorer ces questions en tant qu’adulte et retrouver le chemin de la légèreté (rien que ça) nous vous proposons quelques enregistrements, que vous trouverez ici. Vous verrez que ce pack se décompose en deux séries (6h et 12h), que vous pouvez acquérir indépendamment. Soulignons toutefois que ces leçons, aussi agréables soient-elles, ont pour vocation de vous donner envie de cultiver la question au fil du temps, car elle vous donnera de longues heures d’exploration et c’est heureux car la progression n’aura pas de limite.