« A ce propos, j’ai commencé la série bleue du trimestre il y a deux semaines en cure intensive – une leçon par jour à peu près – et… c’est merveilleux, magnifique, incroyable, bref tant pour la chanteuse, la violoncelliste, la pianiste, la ukuleliste, que l’être humain doté d’un strabisme, c’est comme si cette serie-là était faite sur mesure pour moi ! » A la lecture de ce témoignage d’une abonnée reçu il y a quelques semaines, la partie que j’ai mise en gras a attiré mon attention.
Et si vous et moi tentions cette aventure ?
Alors en lisant ce message, une idée a germé : et si je faisais pareil ? Une leçon par jour pendant tout l’été, ça sonne comme une bonne façon de me reposer et de rebondir dans cette ambiance Covidesque stressante !
Rapidement je me suis dit : et si je vous encourageais à le faire aussi ? Je suis certain de plusieurs choses :
- ça pose une bulle de fraîcheur dont l’effet se fait sentir une bonne partie de la journée,
- les séances nous ouvrent des choses de plus en plus fines ; si au début certains endroits sont poussiéreux, on arrive vite à un état beaucoup plus confortable et l’organisme s’habitue à un fonctionnement plus léger,
- comme lorsque l’on pousse une balançoire, la régularité fait que la balançoire prend de la hauteur à chaque passage, sans avoir besoin de pousser fort. Un peu à chaque fois, ça suffit pour arriver progressivement à de grandes amplitudes.
Pas si facile…
Si l’on peut opiner du chef avec vigueur à ces perspectives, en se disant qu’évidemment ça nous ferait le plus grand bien, que nous aimerions le faire, voire que nous en rêvons depuis longtemps (c’est mon cas), il n’en reste pas moins qu’il faut se frotter aux problèmes suivants :
- dans nos vies pleines de sollicitations, il n’est pas aisé de réserver une heure pour quelque chose, aussi passionnante cette activité soit-elle,
- il est encore moins aisé de répéter cet exploit chaque jour.
Alors comment faire ?
Je vous propose ces quelques points pour vous aider à réaliser ce projet, si vous pressentez qu’il répond à un besoin que vous avez en ce moment :
Commencer sa journée par l’important
Comme c’est simple, n’est-ce pas ? Pour faire des choses que l’on juge importantes, il suffit de commencer par elles. Pourquoi ne le faisons-nous pas ? Une bonne raison pour cela est que nous sommes en partie désorientés par ce qui semble urgent ; donc si nous avons des choses à faire qui sont « Importantes mais pas urgentes », une stratégie précieuse consiste à les faire en premier, à commencer sa journée par une de ces tâches. Ainsi, nous profitons du fait que, le matin, notre énergie est élevée et nous avons encore le pouvoir de faire taire momentanément les appels d’autres activités.
Petite gourmandise de langage : les anglophones appellent cela « Manger la grenouille », or le sens de cette expression est on ne peut plus différent en français ! En français, elle signifie dilapider l’argent d’une tirelire, notamment une tirelire commune comme la caisse d’un régiment dont un soldat a la garde. Quand celui-ci se laisse tenter par l’argent et le dépense pour lui-même, on dit qu’il a « mangé la grenouille » et ce n’est clairement pas glorieux. Mais en anglais, l’expression est bien plus positive, on la trouvera par exemple chez Mark Twain : “If it’s your job to eat a frog, it’s best to do it first thing in the morning. And if it’s your job to eat two frogs, it’s best to eat the biggest one first.“, qui se traduit par « Si votre travail consiste à manger une grenouille, le mieux est de le faire au saut du lit. Si votre travail est de manger deux grenouilles, le mieux est de commencer par la plus grosse des deux. »
Nous avons là de quoi méditer ! Pour vous encourager à essayer, voici ce qui m’est arrivé ce matin quand je me suis lancé dans ce petit défi : à 10H30, j’avais déjà profité d’une douche, d’un petit déjeuner, d’un moment pour faire des calculs à mon ordinateur (eh oui, mon métier est aussi de faire des mathématiques sur ordinateur), et j’ai passé une heure sur un tapis en faisant la première séance de la série des Alexander Yanai, mon ambition pour cet été étant de faire les 57 leçons que j’ai déjà enregistrées.
Bénéfice secondaire : je me sens détendu à l’idée d’aborder le reste de ma journée, car j’ai déjà fait deux choses importantes et le reste ma journée pourrait être oisive que j’aurais quand même le sentiment d’avoir bien avancé.
Pressentir clairement le bénéfice que l’on espère
Imaginez que, pris ou prise dans un agenda trop rempli pour y glisser quoi que ce soit, vous receviez un mystérieux courrier venu de Cannes. Vous l’ouvrez et voici une lettre venant de la direction du festival de Cannes qui vous informe que, grâce à une de vos amies, vous êtes invité ou invitée à un dîner en petit comité avec vos acteurs préférés. Ajoutez à cela que ce dîner aura lieu dans le genre d’endroits que vous aimez le plus (un salon agréable ou un yacht, à vous de choisir) et que tout est prévu, du taxi qui vient vous chercher chez vous à la chambre d’hôtel en arrivant sur place. Si ce genre d’événements n’est pas votre tasse de thé, imaginez une situation qui vous ravit, quelque chose d’exceptionnellement réjouissant, un concert avec vos musiciens préférés, l’occasion de parler avec votre philosophe préféré(e), une promenade en traîneau au milieu de la Sibérie, à vous de décider !
Ô miracle, ne trouvez-vous pas des moyens de réorganiser votre agenda, d’alléger, de simplifier et de dégager du temps ? Si c’est le cas, tirons-en une conclusion est simple : on trouve du temps quand on sent clairement que l’on va aimer ce que l’on va vivre, que cela va vers une nouveauté joyeuse et que les éventuels efforts seront généreusement récompensés.
Alors pour la « croisière Feldenkrais », quel bénéfice peut-on espérer au-delà de se sentir un peu mieux que d’habitude ? Eh bien nous entrons dans l’inconnu, nous pouvons nous repérer en réécoutant le témoignage avec lequel j’ai démarré cet article : « J ai commencé la série bleue du trimestre il y a deux semaines en cure intensive – une leçon par jour à peu près – et … c’est merveilleux, magnifique, incroyable ». Après nos premiers pas dans ce terrain inconnu, nous pourrons décider après quelques jours si l’aventure vaut qu’on lui fasse de la place. Je pressens également qu’en lui réservant une heure par jour, on regagne amplement du temps et de la qualité de vie ailleurs, mais nous en saurons plus après l’été si nous essayons.
Y aller tranquillement
Pour ne pas se fatiguer, une fois ces jalons posés (faire au début de la journée, sentir le plaisir que l’on va y trouver), on n’a pas besoin d’en rajouter ! Notre motivation se nourrissant d’actions plaisantes, il vous suffira alors de commencer avec un petit sourire pour que votre monture vous emmène loin. Eh oui, la fameuse monture qu’il convient de ménager pour voyager loin.
Et si on dissipait les brumes ?
Comme une croisière, on ne verra pas la même chose après une heure de navigation qu’après deux, trois, ou 57. Je propose la métaphore suivante : quand nous nous contentons de faire face sans prendre de temps pour soi, on reste dans une sorte de brouillard. Quand on prend la mer en nourrissant, jour après jour, notre curiosité devant des mouvements jamais sentis ou des sensations pétillantes de nouveauté, on avance vers des lieux où le brouillard se dissipe progressivement. Le monde change autour de nous.
Dans Le Cas Doris, Moshé Feldenkrais écrit : “Learning is turning darkness, which is absence of light, into light. Learning is creation. It is making something out of nothing. Learning grows until it dawns on you”. ce qui se traduit par « Apprendre, c’est transformer l’obscurité (qui est l’absence de lumière) en lumière. Apprendre, c’est créer. C’est de faire apparaître quelque chose à partir de rien. L’apprentissage grandit jusqu’à ce qu’il vous apparaisse et que vous vous aperceviez qu’il est là. »
Donc nous n’avons pas le choix, il faut être un peu aventureux ou aventureuse pour partir dans un voyage sans avoir vu les photos du lieu où l’on va. On devra se contenter de voir apparaître de nouvelles sensations comme les voyageurs voient émerger les villes sur l’horizon après des heures de navigation. Je trouve ça vivifiant et réjouissant, qu’en dites-vous ?
En route pour une joyeuse révolution, une heure par jour
Alors voilà, pour ma part j’ai commencé aujourd’hui et vous aurez peut-être plaisir à tenter la même aventure. Je pressens que je serai bien différent en septembre (il reste 54 jours, ça fait un beau voyage !). Il n’y a pas d’appareil photo qui me donne des images de ce que j’y trouverai, comme il y a quelques siècles je devrai compter sur mes sens pour découvrir où m’emmène ce voyage. Pour ma part, je tente l’aventure suivante, mais vous avez peut-être des enregistrements déjà chez vous, ou bien d’autres packs qui vous tentent, voire d’autres activités.
Si vous souhaitez me demander des indications sur les différents bateaux disponibles, ou me donner des nouvelles de votre croisière, j’aurai plaisir à vous lire. Bon été !