Il y a quelques années, lors d’une retraite que j’avais organisée à Lacanau (sur la côte Ouest de la France, près de l’océan), nous avions adopté une plaisanterie entre nous : quand nous disions « anodin », c’était en écho aux mouvements qui n’avaient l’air de rien mais qui déclenchaient des réactions très importantes et très bénéfiques. Après le premier épisode de ce genre chez une participante, nous avons plaisanté pendant tout le reste de la semaine, en disant « c’est anodin ! » quand les sensations corporelles étaient généreuses alors que les mouvements semblaient mineurs.
Ces derniers jours, je me suis interrogé plus profondément au sujet du sens du mot « anodin », en allant jusqu’à son étymologie. Ô joyeuse surprise ! il y a deux couches :
- une première couche, moderne, qui donne les sens suivants :
- 1. Inoffensif, sans danger. Une plaisanterie anodine.
- 2. Sans importance, insignifiant. Des propos anodins.
- une deuxième couche donnée par l’étymologie :
- Du grec ancien ἀνώδυνος, anốdynos (« qui calme la douleur »).
Ha ! Quand il y a des choses qui calment la douleur, ça m’intéresse ! Mais alors, comment ce mot est-il devenu « sans importance » ? En tirant le fil, il semble que l’histoire se soit tissée en médecine : quand c’est anodin, ça calme la douleur mais ça ne va pas en chercher la cause. Donc c’est mieux que rien, mais on aimerait quelque chose de plus « sérieux », qui irait résoudre la cause première.
Mais en Feldenkrais, on regarde l’organisme dans son entier et le cas général est le suivant : ce n’est pas une cause particulière qui produit un désagrément particulier, mais on recherche une façon que le fonctionnement global s’améliore. Je prétends que c’est encore plus « sérieux » que lorsque l’on cherche un coupable unique.
Ainsi une douleur peut disparaître parce que l’organisme fonctionne différemment, tout simplement. Je ne peux que vous inviter à calmer la douleur en expérimentant des mouvements qui calment la douleur, des attitudes qui calment la douleur, des découvertes qui calment la douleur, en un mot des choses anodines.
Photo de Alexander Grey sur Unsplash
J’adore ce mot, oui vraiment , depuis cet instant anodin,où j’ai lu ta réflexion sur son etymoligie et son évolution.
Merci Vladimir
Un commentaire un peu à côté de la plaque, tu me diras… ? Un “dysfonctionnement tubaire” lié à une trompe d’Eustache enflammée, dont le diagnostic a été posé deux mois (trouver un ORL est une gageure de nos jours 😉 après l’apparition du symptôme : une oreille bouchée, mais sans douleur, je le précise. Mes premiers réflexes, en attendant de trouver une façon de me faire soigner, ont été de trouver la position de l’oreille, de la tête, du corps pour me sentir mieux, sentir moins l’oreille bouchée. Ça n’a pas vraiment fonctionné. Avec le temps, l’impression d’oreille bouchée tend à devenir “naturelle”. Que faire de cette sensation qui devient “pernicieusement anodine” ?